dimanche 3 mars 2019

Pago Pago : un nom raccoleur


                         Pago Pago, American Samoa                        
                                               14°16 Sud, 170°42 Ouest   UTC -11                                                   Distance  parcourue : 27.612 km, Waterloo à 15.941 km

Petite escale bien sympathique. On se serait attendu à quelque chose de ronflant, vu la renommée du nom, le nombre de night-clubs et de bars louches qui l'affichent, mais vraiment non, c'est une toute petite île où les gros bateaux ne font escale qu'une fois par mois. La preuve : on est arrivé un samedi, jour sacré par excellence, et l'office du tourisme était fermé.Encore une fois, les Polynésiens sont cools ; ils s'en foutent royalement. J'adore.

Bref, on s'est trouvé un taxi. George est un Samoyen moyen (j'irai vérifier demain comment on les appelle en français) : donc il fait 1.90 M et 140 kg. On ne discute donc pas le prix de la course. Il nous amène sur la côte ouest où il habite (c'est superbe, on se croirait à Moorea). En chemin, il nous raconte les particularités de l'île : le samedi, c'est sacré, parce que le dimanche, c'est encore plus sacré. On consacre donc le samedi à faire les courses pour le UMU du dimanche, pour préparer les habits pour la messe, pour acheter les fleurs à offrir aux hôtes du dimanche, pour faire laver la voiture (les églises-nombreuses- proposent des car-washes), et pour aller à plage (le dimanche, on ne peut pas).

 la côte ouest
petite tombe privée dans le jardin

Chaque famille samoyède est par définition propriétaire de son terrain. C'est immuable. Donc, et c'est assez bizarre à nos yeux, dans chaque jardin, il y a le coin cimetière, comme chez nous il y a le coin potager.  Cela ne les trouble pas plus que ça, nous avons vu de nombreuses serviettes de plage sur les tombes. Les stèles des plus récentes sont à 60°, histoire d'être plus confortables pour bronzer, je présume.


The flower pots, côte ouest


L'IDL,  2 jours pour le prix d'1.

AVERTISSEMENT : Si vous ne comprenez rien aux fuseaux horaires, ce qui va suivre n’est pas pour vous.
La terre tournant dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, le soleil se lève (en fait, semble se lever) à l’est et se couche à l’ouest. À un moment déterminé, il est donc plus tard à l’est (le soleil « est déjà passé ») qu’à l’ouest (le soleil « n’est pas encore passé »). 
Lors d’un samedi midi à Greenwich, il est déjà treize heures à Bruxelles, quatorze heures à Athènes, quinze heures à La Mecque, dix-sept heures à Karachi, mais seulement sept heures à New-York, quatre heures du matin à Los Angeles et trois heures à Honolulu. 
Si on continue ce raisonnement, on est samedi soir (23 heures) à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), et samedi matin (01 heure) à Pago-Pago (Samoa). 
Entre les deux, à Kiribati, il est minuit, mais minuit de quel jour ?. 
Que se passe-t-il si nous passons la ligne en bateau d’est en ouest  durant la nuit du samedi au dimanche, disons à minuit heure locale ?
Pendant que vous réfléchissez, je rouvre un chapitre du « Tour du Monde en 80 jours ». pour demander à Jules Verne de m'aider :


L’horloge marquait huit heures quarante-cinq, quand il parut dans le grand salon... Phileas Fogg avait accompli ce tour du monde en quatre-vingts jours !...              Phileas Fogg avait gagné son pari de vingt mille livres ! 
Et maintenant, comment un homme si exact, si méticuleux, avait-il pu commettre cette erreur de jour ? Comment se croyait-il au samedi soir, 21 décembre, quand il débarqua à Londres, alors qu’il n’était qu’au vendredi, 20 décembre, soixante-dix-neuf jours seulement après son départ ? 
Voici la raison de cette erreur. Elle est fort simple. Phileas Fogg avait, « sans s’en douter, » gagné un jour sur son itinéraire, et cela uniquement parce qu’il avait fait le tour du monde en allant vers l’est, et il eût, au contraire, perdu ce jour en allant en sens inverse, soit vers l’ouest. En effet, en marchant vers l’est, Phileas Fogg allait au-devant du soleil, et, par conséquent les jours diminuaient pour lui d’autant de fois quatre minutes qu’il franchissait de degrés dans cette direction. Or, on compte trois cent soixante degrés sur la circonférence terrestre, et ces trois cent soixante degrés, multipliés par quatre minutes, donnent précisément vingt-quatre heures, c’est-à-dire ce jour inconsciemment gagné. En d’autres termes, pendant que Phileas Fogg, marchant vers l’est, voyait le soleil passer quatre-vingts fois au méridien, ses collègues restés à Londres ne le voyaient passer que soixante-dix-neuf fois. 
C’est pourquoi, ce jour-là même, qui était le samedi et non le dimanche, comme le croyait Mr. Fogg, ceux-ci l’attendaient dans le salon du Reform Club. 
Et c’est ce que la fameuse montre de Passepartout, qui avait toujours conservé l’heure de Londres, eût constaté si, en même temps que les minutes et les heures, elle eût marqué les jours !

Revenons au MSC Magnifica. Qui donc, dans notre exemple, a passé la fameuse (International Date Line) le samedi à minuit heures locales. À cet instant, il est (+12 heures) dimanche midi à Bruxelles et dimanche 24 heures sur l’IDL. À 00 heure 01 minute, le Magnifica navigue donc le lundi. Il n’aura pas connu de dimanche ! (Un rêve, je déteste les dimanches. On devrait passer l'IDL tous les samedis soirs.)

L’IDL de Kiribati, merci. Grâce à toi et ta promotion 2 jours pour le prix d’1, Manneken-Pis, en action urinaire à ce moment précis, aura pu battre un record inscrit au Guiness Book :
1.    Le record du pipi le plus long : du samedi 23 heures 59 minutes quarante-cinq secondes au lundi 00 heure 00 minute 15 secondes, soit vingt-quatre heures et trente secondes !

     Une dernière pour la route : au moment où le Magnifica passe l'IDL (00h01), Waterloo (ou Issy-les-Moulineaux pour ma fille) se retrouve dimanche 3 mars (11h01), Pago-Pago est toujours le samedi 2 mars (23h01) et le Magnifica dans les eaux territoriales de Samoa est déjà le lundi 4 mars (00h01). Trois dates différentes du calendrier sont alors utilisées sur la planète. Cette particularité va durer deux heures!


Phileas Fogg avait donc gagné les vingt mille livres. Mais comme il en avait dépensé en route environ dix-neuf mille, le résultat pécuniaire était médiocre. Toutefois, on l’a dit, l’excentrique gentleman n’avait, en ce pari, cherché que la lutte, non la fortune.


Ce matin, Manneken-pis, cabotin, va fièrement revêtir le tweed et le gibus de Phileas Fogg…


Au passage, il a quand même acquis une superbe dent de requin...
MM

12 commentaires:

  1. J'ai attrapé mal à la tête instantanément rien qu'en lisant ton commentaire ;)

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    1. J'ai aussi eu des moments où je ne comprenais plus ce que j'écrivais!

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  2. Est ce que tu as réussi à convaincre cette voisine dans le bateau ou pas au final ? ;-) merci pour ce cours, tj aussi passionnant, merci pour cet article, tj aussi frais et chouette à lire.

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    1. On a eu une longue conversation à table parce qu'elle pensait qu'à partir de maintenant, on allait avancer les heures à chaque escale. Je lui ai expliqué qu'on n'avait pas fait demi-tour, mais en vain... Je pense qu'elle va arriver à Gênes un jour avant le bateau...

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  3. Génial l'explication btw ! Et merci pour le clin d'œil tout est plus clair. D'autant plus marrant que Mumu m'a appelée il était 23h samedi chez vous, 14h dimanche à Maurice et en une heure vous étiez lundi, alors que j'étais toujours dimanche (et au bord de la piscine) ahah
    Bisouwww

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    1. C'est une expérience très amusante à vivre. La moitié du bateau n'a pas encore compris ce qui s'est passé!

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  4. Saisissant ! :-) Et quelle belle page de pédagogie, merci !
    J'ignorais qu'il y avait même un Lidl au milieu du Pacifique... Ils sont partout !

    Mais dis-nous, le passage de l'IDL à minuit exactement (plutôt que, disons à 22 heures par exemple), c'est parce que le Magnifica attendait les tops horaires juste devant la "ligne", comme on voyait parfois jadis aux 24 heures de Francorchamps ? :-)

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  5. Bizarrement, ils ne l'ont pas fêté. En général, ils fêtent tout, Panama,l'équateur,le carnaval. Ici, un simple alinéa dans le journal de bord. On passe l'IDL officielle à 170°, c'est ridicule, et la vraie, à 180° est au milieu de nulle part... Tout se perd. J'aurais aimé voir des navires alignés comme à Francorchamps!

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  6. Ce qui semble étonnant également c'est que les Samoa américaines et les autres (voisines) sont à des dates différentes. C'est comme si la France était toujours un jour en retard sur nous (en fait, c'est vrai mais pas sur la calendrier !! - je vais me faire des copines parmi les bloggeuses...).
    Pratique pour fixer un rendez-vous :-)

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    1. Exact. Les Samoa américaines font du commerce avec la Californie et les Samoa avec l'Australie. Business first...

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  7. Je viens de lire ton explication à ce sujet dans l'article relatif à Apia. Clair !

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  8. Donc si j'ai bien saisi Lidll est propriétaire du bateau. Vous et la moitié de l'équipage avez été forcé par un samoyen moyen d'accepter la promotion deux jours pour le prix d'un parce que c'était un jour sacré et que tout était fermé au risque de finir dans une tombe de jardin à 60 degrés.

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